Pourquoi une nouvelle campagne pour Maurice Audin?

Maurice Audin, mathématicien à Alger, après avoir été arrêté par les parachutistes du général Massu le 11 juin 1957, a disparu. Il était âgé de vingt cinq ans et père de trois enfants.

L'instruction judiciaire de la plainte de son épouse pour homicide a été conclue par un non-lieu. La thèse des militaires, l'évasion, reste la vérité officielle. Depuis les faits sont couverts par l'amnistie.

Maurice Audin, membre du Parti Communiste Algérien, qui fut interdit, était révolté par le colonialisme, il menait une lutte politique et n'a jamais participé à un groupe armé.

L'enquête du Comité Audin menée par Pierre Vidal-Naquet a établi que Maurice Audin est mort sous la torture et que cette évasion était une mise en scène.

En 2001, Madame Josette Audin est partie prenante de l'Appel des douze pour que le Président de la République et le Premier Ministre condamnent la pratique de la torture en Algérie de 1954 à 1962. Au sommet de l'État, c'est une fin de non-recevoir. Lionel Jospin, alors Premier Ministre, déclare s'en remettre aux historiens.

Suite aux révélations en 2001 de Paul Aussaresses qui dirigeait les tortionnaires, Josette Audin dépose plainte pour séquestration et crime contre l'humanité. Le 10 juillet 2002, elle est déboutée de sa plainte. L'appel de cette décision est de même rejeté.

Il est inadmissible qu'au bout de quarante six ans, la question de ce qu'il est advenu de Maurice Audin soit toujours sans réponse. Comme la voie judiciaire est sans issue, il reste à établir la vérité historique. Que l'État reconnaisse la vérité.

Les scientifiques, dont fut Audin, contribuent, eux, dans leur domaine, à la connaissance de la vérité. Mais la science historique, elle, est dans l'incapacité de faire la vérité sur un épisode récent de l'histoire de France. Elle achoppe à ce qu'on appelle la Raison d'État. La loi française n'oblige pas les dirigeants à verser tous leurs documents relatifs à la conduite de l'État aux archives publiques, nombre d'entre eux sont détruits, et l'accès à ces documents est interdit ou restreint pendant plusieurs dizaines d'années, de sorte que les témoins ont souvent disparu quand un historien peut accéder à ce qui reste des documents. À l'heure actuelle, les archives du Service Historique de l'armée de Terre sur la guerre d'Algérie sont accessibles. Mais 50% d'entre elles nécessitent une dérogation et il est interdit de citer des noms.

L'accès aux archives, c'est le droit, en démocratie, de tout citoyen à connaître ce qui a été fait en son nom par les personnes qu'il a mandatées.

Si l'amnistie peut être invoquée par la nécessité de rétablir la paix civile, elle devient douteuse quand elle permet de couvrir des crimes. Ne pas punir les crimes est déjà grave, les oublier, c'est à dire les nier est encore plus grave. C'est sur cette question de l'oubli par la négation que cette initiative voudrait se situer. Une phrase de Laurent Schwartz illustre bien notre démarche :

« L'oubli est profondément malsain, s'il ne s'appuie pas sur la connaissance de la vérité »

de même, François Mauriac écrivait :

« le pire n'est pas que certains crimes légaux soient pratiqués, mais qu'ils soient acceptés et approuvés. »

L'action proposée est une lettre au Ministre de l'Éducation Nationale cosignée par les pétitionnaires.

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