Monsieur François Fillon Ministre de l'Éducation nationale 110 rue de Grenelle 75007 Paris Objet : Qu'est devenu le mathématicien Maurice Audin ? Monsieur le Ministre, Quarante six ans après, je ne sais toujours pas ce qu'il est advenu du mathématicien Maurice Audin, né le 14 février 1932 à la gendarmerie de Béja en Tunisie, assistant à la Faculté des Sciences d'Alger, auteur sous la direction de René de Possel de six communications à l'Académie des Sciences et d'une thèse qui fut soutenue in absentia le 2 décembre 1957 et obtint la mention très honorable. Il fut arrêté le 11 juin 1957 par les parachutistes du général Massu. L'explication des militaires est que Maurice Audin s'est évadé lors d'un transport en jeep le 21 juin par les parachutistes. Or, depuis, nul ne l'a revu. Une enquête menée de 1957 à 1959 par Pierre Vidal-Naquet et le comité Audin a établi que celui-ci a été torturé à mort et que son évasion était une mise en scène. Mais cela n'a jamais été reconnu par l'État français. Maurice Audin était à l'époque enseignant de l'Université et dépendait donc de votre ministère, aussi je vous serais gré, monsieur le Ministre, d'interroger vos services et les autres membres du gouvernement sur ce qu'il est advenu de Maurice Audin. Je n'ignore pas qu'une loi d'amnistie a été votée après les « événements d'Algérie ». Pour autant, la France ne saurait couvrir éternellement des crimes sous prétexte d'amnistie. Comme le disait Laurent Schwartz: « L'oubli est profondément malsain, s'il ne s'appuie pas sur la connaissance de la vérité. » Comment la France peut-elle se proclamer Patrie des Droits de l'Homme et continuer à cacher qu'elle a pratiqué la torture et des exécutions sommaires en Algérie? Si l'État français persistait dans son refus de révéler la vérité sur la disparition de Maurice Audin, de dire où sont ses restes, tout citoyen pourrait lui répondre qu'il y a des Droits de l'Homme au dessus de la Raison d'État, comme Antigone invoquait les lois divines en passant outre à l'ordonnance de Créon. Désireux de vivre dans une nation civilisée où règne l'État de Droit, où les citoyens ont droit à être informés de ce qui a été fait en leur nom, je vous demande, Monsieur le Ministre, la vérité sur la disparition de Maurice Audin. Je vous prie d'agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de ma haute considération.